Chapitre 8. Y'a des choses à régler

J’avais hâte de parler à Catherine. J’avais décidé de tout lui dire. Après tout, il ne s’était rien passé, et l’histoire s’était conclue positivement pour nous. Elle allait peut-être même être contente et rassurée de voir que j’ai vraiment été au bout de ma réflexion. J’ai attendu à ce matin pour la contacter, comme convenu. Je me demandais à quelle heure il serait convenable de lui lâcher un coup de fil, quand on a sonné à la porte. C’était elle. J’étais pas mal surpris, mais quand même content. Elle m’a demandé de m’habiller et de venir prendre une marche avec elle. Il faisait beau et c’était calme dehors, presque tout le monde dormait ou relaxait à l’intérieur de leurs logis. J’ai enfilé une paire de shorts et un T-shirt; on était parti.

Catherine semblait un peu préoccupée, mais pas trop. Elle était quand même superbe. Il faisait un peu frais ce matin et j’aurais dû m’amener un petit gilet. Catherine avait prévu le coup, elle. Mais je n’allais pas me plaindre, j’étais fait fort. Catherine ne parlait pas beaucoup, alors j’ai essayé de lancer la conversation en lui demandant comment c’était passé sa St-Jean.

-De mon bord, c’était assez banal. Par contre, on m’a dit que ça a été un peu plus excitant pour toi !

Les nouvelles vont vite à Québec. Une chance que j’avais décidé de tout lui dire.

-Pas nécessairement excitant, mais peut-être un peu plus perturbant. Est-ce que tu as su que Stéphanie m’a suivi jusqu’à mon appartement après le spectacle ?

-Non, c’est pire que je pensais ! On m’avait dit que vous aviez dansé collés toute la soirée et qu’elle ne t’avait pas lâché quand tout le monde a quitté les plaines, mais ce que tu me dis là est bien pire !

Elle s’était arrêtée net, s’est tournée vers moi un peu agressivement, et elle parlait un peu fort. À cette heure-là, dans un quartier résidentiel, ce n’était pas vraiment une bonne idée. J’avais presque envie de lui dire de baisser le ton. Mais, je ne crois pas que c’était la bonne tactique à ce moment. Il fallait que je trouve un autre moyen pour la calmer.

-Il ne s’est absolument rien passé Catherine. Oui, on s’est bien amusés ensemble sur les plaines. Oui, ça lui a peut-être donné des idées. Mais quand je lui ai expliqué que je n’étais pas intéressé, elle a relativement bien accepté la chose, et elle est partie.

Je n’avais pas prévu que j’allais choker comme ça. Son regard plein de colère, qui se remplissait d’eau pendant que j’essayais de la calmer, m’a stimulé à tourner les coins plus que ronds pour en arriver à mes fins. C’était correct de ne pas lui parler de la session de partage de salives dans ces conditions, mais de lui dire que j’avais déjà donné son 4% à Stéphanie ! Je cherchais vraiment le trouble. Il n’y avait pas beaucoup de distance entre Stéphanie et Catherine, elles avaient même des amies lointaines communes, sans parler de mes amis à moi, que Catherine connaissait maintenant relativement bien. S’il fallait que Catherine ou Stéphanie apprennent les véritables faits, j’étais fini. Je passais pour un menteur, alors qu’en fait, ce n’était pas le cas. Ma décision était prise, c’était juste que j’avais été trop couillon pour en parler tout de suite à Stéphanie. Maintenant, j’étais trop couillon pour dire à Catherine que j’avais été couillon. J’avais définitivement un gros problème de couilles. J’avais joué au macho en pensant que je pouvais choisir entre deux courtisanes, maintenant je risquais de me retrouver seul avec moi-même. Le pire, c’était que je n’avais même pas réussi à calmer Catherine, du moins très peu.

-Catherine, je t’aime ! J’ai fait ce que tu m’as dit. J’ai profité de ma soirée, et à la fin, je t’ai choisie. Je veux toujours me marier avec toi comme prévu. Je veux toujours que tu deviennes mon unique amante pour la vie.

Maintenant, elle pleurait un peu.

-Je ne sais pas si je peux te croire. Ça semble tellement difficile à croire ton histoire. J’avais déjà eu de la misère à me calmer en pensant à vos danses cochonnes, maintenant j’apprends qu’elle est montée à ton appartement. Pourquoi est-ce que je croirais qu’il ne s’est rien passé ? Pourquoi est-ce que tu l’aurais laissé monter dans ton appart pour qu’il ne se passe rien ?

-Tu l’as dit l’autre jour, je ne suis pas capable de mentir. Je te dis la vérité. Je l’ai laissé monter à l’appart pour pouvoir lui expliquer, et peut-être aussi un peu par mollesse.

-Comment ça par mollesse ?

-J’étais pas capable de la laisser là de manière bête et méchante. J’étais pas capable de saisir vraiment qu’elles étaient ses intentions, alors j’ai préféré attendre avant d’agir. Tu sais, j’avais aussi un peu trop bu.

-Je ne sais pas si je te connais aussi bien que je pensais. Je pensais que tu n’étais pas capable de mentir ; j’en suis moins sûre. Je ne te croyais pas mou, tu me dis maintenant que tu l’es. Je ne sais plus trop quoi penser !? Une chose est sûre, je me trompais d’une façon ou d’une autre, et c’est pas mal inquiétant !

-Écoute, je ne crois pas être mou, mais j’ai eu un passage de mollesse. Ce n’était pas de la mollesse extrême, je n’ai pas profité de la situation. Je te dis qu’il ne s’est rien passé, il faut que tu me croies.

Elle a pris le temps de bien réfléchir. Elle semblait se calmer, mais elle réfléchissait intensément. Allait-elle décider de me croire ?

-Où est-ce qu’elle a couché ? Tu ne l’as quand même pas laissée partir toute seule vers son appartement à cette heure-là.

J’aurais aimé mieux qu’elle ne me pose pas cette question-là. Ce n’était pas le temps que je me cale davantage, la vérité était la seule issue, même si les résultats n’étaient pas garantis.

-Elle a couché chez moi ; elle dans mon lit, moi sur le divan du salon.

-Quoi ? Tu viens de me dire qu’elle était partie après vos explications !

-Les explications ont eu lieu le lendemain matin. On était tous les deux crevés et un peu saouls. Je n’avais pas du tout le courage de la raccompagner chez elle.

Je me rapprochais un peu plus de la vérité, je me sentais un peu plus en confiance. Par contre Catherine n’était toujours pas calmée.

-Elle a passé la nuit chez toi, en pensant qu’il se passerait quelque chose, mais il ne s’est rien passé ? C’est de plus en plus difficile à croire ton histoire !

Plus je me rapprochais de la vérité, plus c’était difficile à croire. J’étais un peu mal pris. J’ai décidé de continuer à dire la vérité le plus possible en espérant que Catherine allait comprendre. Je n’étais pas assez bon en mensonges pour aller vers cette voie. De toute façon, si je voulais avoir une relation à long terme avec Catherine, il fallait éviter les mensonges. Les omissions étaient possibles, mais les mensonges finiraient toujours par ressortir au bout d’un certain temps. Restait à savoir si la vérité n’allait pas m’empêcher de vivre cette relation à long terme si convoitée.

-Je dis pas que c’était une situation confortable Cat, je dis que ça s’est bien fini, sans qu’il ne se soit rien passé. De toute façon, c’est pas toi qui voulait que je pousse ma réflexion jusqu’au bout ?

Oups ! Je venais de manquer une belle occasion de me taire. Juste quand j’allais peut-être la récupérer, voilà que je la reperdais.

-Tu appelles ça pousser une réflexion d’inviter une fille à coucher dans ton lit ?

-Ne joue pas avec les mots. Cette fille a couché seule dans mon lit, moi j’étais ailleurs !

Je commençais à m’échauffer, impatient devant ma propre bêtise. Elle s’est mise à pleurer, en se couvrant le visage, et en se retournant pour que je ne la voie pas. Je ne savais pas trop ce qu’elle pouvait penser.

-Écoute Catherine, je me suis mis dans une situation inconfortable, mais c’était bien involontaire. Ce n’était pas pour prouver quelque chose. C’était par laisser-aller un peu naïf suite à une dure semaine. Reste que je trouve que ça prouve quand même que je suis capable de résister à la tentation. Et si j’ai résisté, c’est parce que j’ai pensé à toi, à nous.

-Je m’excuse de t’imposer tant de sacrifices !

C’était de l’ironie, évidemment !

-Ce n’est pas un sacrifice, c’est une preuve d’amour !

-Trouves-en d’autres la prochaine fois, veux-tu ?

-Oui, je crois que tu as raison. Mais je te jure que je te dis la vérité.

Sauf un tout petit élément, mais l’essentiel était absolument vrai. Je crois qu’elle me croyait maintenant. Mais elle était bouleversée et elle ne voulait pas que je la voie comme ça.

-Je ne sais plus trop, Jeff. Je vais y penser. Je vais y penser toute seule de mon côté, OK? Je te reviendrai demain pour que l’on continue la conversation. Ne me rappelle pas, je viendrai te voir demain matin. Tu vas être là ?

-Oui, je serai là.

Je crois qu’elle voulait y réfléchir à tête reposée, peut-être obtenir une deuxième opinion d’une amie, et me revenir, plus calmement, avec d’autres questions dont les réponses, je l’espère, pourraient finir de la convaincre. Par contre, elle allait peut-être aussi faire une petite enquête, elle en était bien capable. Ce qui faisait que je devais parler à Stéphanie au plus maudit, avant de passer encore pour un menteur et de tout bousiller mes chances de rassurer Catherine. C’est quand même de la faute à son tabarnak de break tout ce qui arrive. Y fallait que ça finisse au plus sacrant cette maudite affaire-là !

J’avais peu de temps à perdre. Il fallait que je trouve le moyen d’annoncer la nouvelle à Stéphanie le plus rapidement possible. Je savais qu’elle n’était pas partie pour la fin de semaine, mais elle pouvait avoir des plans pour la journée. Il était seulement 8h30, si je l’appelais vers 9 heures, je risquais de l’intercepter avant qu’elle ne parte. Je risquais de la réveiller aussi, mais ça c’était secondaire étant donné la situation.

Je trouvais ça chien de lui annoncer ça dans un lieu public. Elle avait le droit de s’exprimer, je n’avais pas le droit de lui imposer le bâillon juste parce que je voulais me simplifier la vie. Par contre j’avais besoin de ne pas être isolé dans un lieu clos, avec elle. Je me disais que pour ma sécurité et la sienne (si elle se mettait à me fesser avec la musculature que j’avais constatée, il faudrait que je me défende), mais encore plus pour m’aider à bien faire les choses, à respirer et à ne pas me sentir contraint, c’était le bon choix. J’ai tout de suite pensé à la cafétéria du pavillon Pouliot à l’université Laval. Même un dimanche matin d’été, j’étais certain que l’on n’y serait pas complètement seuls.

J’ai appelé Stéphanie à 9 heures tapantes. J’allais utiliser un ton très froid, ça allait lui annoncer un peu ce qui s’en venait. Elle a répondu tout de suite, elle ne dormait pas.

-Je peux te voir ce matin Stéphanie?

-Ce matin ? J’avais prévu faire de la planche à voile. Il y a un bon vent sur le fleuve. Je devais partir dans moins de 30 minutes avec Ève. Je crois que tu connais Ève ?

Je connaissais Ève, Catherine la connaissait aussi d’ailleurs, mais je ne savais pas qu’elle faisait de la planche à voile. Je ne savais pas non plus que Stéphanie en faisait.

-Oui, je la connais. Mais j’aimerais te voir quand même. Est-ce que tu peux retarder ta sortie d’une heure ?

-Ça ne peut vraiment pas attendre ton affaire ? C’est à propos de nous ?

-Oui, c’est à propos de nous. J’aimerais mieux que ça n’attende pas.

-Si c’est à propos de nous, alors la planche va attendre. Ton ton me fait un peu peur par contre.

-Ne t’en fais pas. Je suggère que l’on se voit à la cafétéria du Pouliot dans 15 minutes, c’est le temps que ça nous prendra à tous les deux pour s’y rendre.

-Wow, tu es vraiment pressé. Et pourquoi la cafétéria du Pouliot, c’est vraiment moche !

-Je crois que c’est un bon endroit pour pouvoir se parler en paix.

-Tu peux venir chez moi si tu veux !

-Non, je préfère un lieu neutre.

-OK…, je vais être là à 9h15, à tantôt !

J’étais arrivé depuis 2 minutes quand je l’ai vue entrer par la porte principale. Deux barbus un peu étranges buvaient leur café à l’autre bout de la cafétéria. Elle ne semblait pas trop sombre, elle avait plutôt l’air sûre d’elle. Elle m’a souri et est venue me rejoindre. Je pensais qu’elle se douterait de quelque chose, mais maintenant, je n’en étais pas si certain. Elle était belle, mais pas du tout sexy. Bien différente d’hier matin, dans ses jeans et son ample coton ouaté. C’est elle qui a tout de suite pris la parole en arrivant jusqu’à moi.

-Je me dis que ça ne peut être qu’une annonce négative, ou bien encore une demande de précision dans le but de prendre ta décision. Je préférerais la deuxième option, bien que je trouverais assez étrange ce genre de négociation rationnelle quand il s’agit de choisir si on aime, ou si on veut aimer, ou non.

-Malheureusement, c’est la première option qui est la bonne !

Elle ne s’est pas décontenancée du tout. Moi qui pensais être l’homme de sa vie. Je pensais qu’elle allait s’effondrer et m’annoncer qu’elle entrait chez les sœurs. J’imagine que je me surestimais, que mon ego était gonflé à bloc. Il fallait que j’arrête un peu de me prendre pour un autre.

-Bon, malheureusement comme tu dis. Au moins j’aurai essayé et tu ne m’as pas trop niaisée. Je pense quand même que tu passes à côté d’une belle chance.

-Pour ça, je suis d’accord avec toi. Mais je ne suis pas certain l’on fitte très bien ensemble.

-Viens pas me dire que je t’intimide. Je me suis déjà fait dire ça par pleins de gars déjà.

En fait oui, ça faisait partie de ce que je voulais lui dire, plutôt que de mentionner que je la trouvais contrôlante. Je suis donc tout de suite passé au plan B, et je lui ai parlé de Catherine.

-J’ai vu Catherine ce matin, et tout a été clair pour moi. Comme tu dis, ces affaires-là, ça n’a rien de rationnel. Quand c’est clair, tu le sais. J’ai voulu te le dire tout de suite pour justement ne pas te faire niaiser, comme tu dis.

-C’est fini votre break, toi et Catherine, vous reprenez officiellement?!

-Oui, on a même décidé de se marier. À notre façon, sans curé ni juge…

C’était plus un souhait qu’une réalité, mais maintenant, je n’en étais plus à un mensonge près.

-Pis t’as tout décidé ça ce matin ? Quand tu m’as appelé il était même pas 9 heures !

-J’ai vu Catherine à 8h, et comme je t’ai dit, c’était clair. Ça n’a pas pris trop de temps.

-Vos breaks sont longs, mais vos fins de breaks sont rapides en tout cas !… Bon, je crois que l’on a plus grand-chose à se dire. J’espère que tu m’enverras une invitation à ton mariage. Bonne chance!

Elle m’a dit ça tout en se levant. Pendant qu’elle s’éloignait, tout ce que j’ai trouvé à lui dire c’est :

-Bonne chance à toi Stéphanie ! À bientôt !

C’était quand même toute une fille cette Stéphanie. J’espérais bien la garder comme amie et profiter de son énergie. Elle m’a fait un petit bye bye, sans se retourner, et elle est partie. C’était juste ça ! Il n’était même pas encore 9h30. Il me restait juste à mettre fin au break avec Catherine et j’allais retomber sur mes pattes par rapport à ma série de mensonges. J’allais retomber sur mes pattes tout court d’ailleurs. Tabarnak de break à la con !

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