Chapitre 8. Le mariage

Il nous restait à trouver la date du mariage. Pour ça, il fallait trouver une salle. Ça devait se faire un samedi, et dans le mois de juillet. Il n’y avait pas de raison d’étirer les choses. On ne voulait pas de cadeaux, simplement que tout le monde contribue pour rembourser les coûts de l’organisation de la journée. Avec mes contacts à l’université Laval, j’ai réussi à réserver la salle de l’agora du pavillon Alphonse-Desjardins. Les 15 et 22 juillet étaient disponibles. Catou et moi avons choisi le 15, il risquait d’y avoir moins de monde parti en vacances. On faisait l’annonce deux semaines à l’avance, c’était en masse. C’était parfait ! Ça coûtait pas cher, on connaissait la place, il y avait un bar et des cuisines à notre disposition. On pouvait même sortir s’il faisait beau. J’ai poussé l’audace jusqu’à me négocier des vignettes de stationnement gratuites pour les invités. Ceux qui venaient de l’extérieur et voulaient coucher sur place pouvaient profiter des coûts modiques des résidences. Ceux qui avaient un peu d’argent pouvaient s’arranger avec les hôtels du coin. Catherine et moi pouvions accueillir des personnes de nos familles immédiates voulant économiser.

Il n’y aurait pas de voyage de noces, pas avant la fin de la rédaction de ma thèse en tout cas. Comme on avait tous les deux déjà renouvelé nos baux, le 1er juillet approchait vite, on allait continuer d’avoir deux appartements à notre disposition pendant le temps qu’on se chercherait quelque chose de mieux. J’allais sûrement être capable de me trouver un job à Québec dans la prochaine année, en attendant que Catherine finisse sa maîtrise. Si on trouvait quelque chose rapidement, on pourrait toujours sous-louer à des étudiants.

J’ai décidé de ne pas me remettre à la rédaction de ma thèse tout de suite. J’allais m’y mettre à temps partiel à partir du lundi 3 juillet, afin de pouvoir aussi m’occuper des préparatifs du mariage. À ce moment-là, je n’aurai plus ce journal dans les pattes et j’aurai mis un point final à ma saga spirituelle. Le 17 juillet, je me consacrerai complètement à cette thèse, et j’ai bonne confiance de finir le tout au début de l’automne, quelque part en octobre. C’est ce que j’allais annoncer à Alain dans les prochains jours.

En attendant, j’ai lu un peu. Question de me détendre, de me changer les idées complètement. De réaliser qu’il n’y avait pas juste moi et mes problèmes dans la vie, que la terre continuait de tourner. J’ai commencé un livre, Les trois mousquetaires, de la lecture d’été, mais j’ai surtout lu des magazines, que j’ai achetés à la tabagie. Dans L’Actualité entre autres, je trouvais que plusieurs articles étaient écrits par des vieux pré-baby-boomers imbus d’eux-mêmes qui annonçaient des catastrophes à venir, étant donné qu’ils allaient bientôt mourir. Ils pensaient que la société ne pourrait pas survivre à leurs pertes : après moi le déluge ! J’avais envie d’écrire au courrier des lecteurs pour demander à tous ces croûtons de se tasser un peu pour laisser la place aux jeunes. Vous allez voir, on va certainement faire aussi bien, ou aussi mal (c’est selon) que vous. Faites-nous confiance un peu, vieux prétentieux, vieux désabusés ! Je ne l’ai pas fait… peut-être plus tard. En tout cas, on ne parlait nulle part du rassemblement de Québec dans ces magazines. L’événement était probablement trop récent, ou encore pas assez important.

Je suis allé voir Sean le mercredi. Je ne lui ai pas annoncé la grande nouvelle, puisque nous devions garder la primeur pour la fin de semaine. Je lui ai par contre dit que Catherine et moi n’étions plus en break. Il m’a dit qu’il le savait déjà, avec un sourire moqueur me laissant entendre que nos ébats avaient été sans doute un peu trop bruyants. C’était gênant, je suis rapidement passé à autre chose. Sean n’avait pas eu de nouvelles d’Hamid, et de son projet, depuis notre dernière rencontre. Il allait être de retour au lab le lundi 3 juillet, sa convalescence était donc presque terminée. Il se sentait tout à fait capable d’y retourner, il se disait en pleine forme, mais il n’avait pas hâte à cette échéance, puisqu’il n’aurait pas terminé son manuscrit sur l’individualisme conscient d’ici là. Il avait effectivement l’air très en forme, dans les circonstances. Il y avait plein de livres de théologie et de philosophie sur son bureau. Il prenait sa rédaction très au sérieux et se documentait pleinement. Il avait quand même réussi à rédiger une introduction d’une trentaine de pages pendant les derniers jours. J’étais maintenant fixé, il allait de l’avant avec son projet de rédaction. Il allait falloir que j’en tienne compte au moment de décider si j’allais essayer de faire publier mon propre document. Sean m’a demandé de lire son texte.

C’était plate, répétitif, prétentieux, froid, pleins d’analogies assez réussies avec des courants de pensée peu connus. Il parlait un peu de moi, en termes flatteurs, mais de manière assez minimaliste, ce qui m’allait très bien. À ma grande surprise, ce n’était pas très linéaire, un peu pêle-mêle, mais je jugeais que la qualité de l’écriture était bonne ; bien que je ne sois pas un expert en langue anglaise, ni en langue française d’ailleurs. J’étais loin d’être certain que ça allait être publié. Je savais par contre que Sean allait tout faire pour que ce soit le cas. Il m’a demandé ce que j’en pensais. J’ai dit de façon diplomate que c’était un excellent début. C’était effectivement un bon début pour une thèse de philosophie, pas pour un livre grand public. J’admirais sa culture théologique cependant. Je l’ai laissé à sa rédaction, il était clair qu’il n’avait pas besoin de distractions présentement. Il voulait se donner complètement à sa mission d’écriture avant de devoir retourner au boulot. Je lui ai dit que je le verrais lundi prochain, au lab, où j’irais faire un tour… pour inviter tout le monde au mariage bien sûr.

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