Chapitre 1. Jéhovah Georges

Bon, les quelques pages de présentation étant complétées, je peux me plonger dans la rédaction du récit. Ça commence un dimanche matin vers 8 heures alors qu’un couple de témoins de Jéhovah cogne à ma porte. Je sais pas ce qui m’a pris ce matin-là. J’imagine que j’avais le goût de parler à quelqu’un. Je leur ai ouvert la porte et on a commencé à débattre de sujets philosophiques. Avec le témoin actif évidemment, car le témoin en formation est resté complètement muet, à part pour le bonjour initial. J’étais en bobettes, mon pyjama habituel, ce qui les a mis un peu mal à l’aise. Mais ayant trouvé quelqu’un qui ne leur claquait pas la porte au nez et qui était prêt à leur parler, ils ont rapidement décidé de passer outre à ce manquement à l’étiquette.

Tout en allant mettre ma robe de chambre, je les ai fait entrer et Georges a commencé à me sortir sa litanie concernant notre monde en plein cataclysme. Il me disait :

-N’êtes-vous pas inquiété par la montée de la criminalité dans nos villes, notre planète qui se meurt en raison de la pollution que nous créons? Ne croyez-vous pas que tous ces problèmes nous viennent de notre manque de spiritualité?

C’était à peu près ça. J’espère que Jéhovah-Georges me pardonnera de ne pas utiliser ses mots exacts, qu’il n’intentera pas une poursuite contre moi pour avoir déformé ses paroles, s’il se reconnaît. Ma mémoire n’étant pas parfaite, les modifications qui sont faites n’ont rien de volontaire.

-De quoi parlez-vous, Georges? Le taux de criminalité est en baisse, me semble-t-il? Je suis d’accord pour dire que la situation est inquiétante et qu’il faut réagir. Mais je n’y vois pas les signes précurseurs de l’apocalypse.

-Les fusillades dans les écoles, l’effet de serre, le réchauffement de la planète, le trou dans la couche d’ozone, tous ces phénomènes sont inquiétants. Ne me dites pas que vous ne recherchez pas un remède à ce cancer qui ronge notre société et qui vous bouleverse sûrement.

… Me dit-il en me montrant des images accablantes de résultats de la pollution humaine qu’il sort d’un magazine qu’il a en sa possession. Il a vu juste en concentrant son discours sur la pollution, un sujet qui me remue. Ce Jéhovah-Georges serait-il intelligent et perspicace? Déjà, cette constatation bouleverse mes préjugés, Georges est en position de force, mais je ne me laisse pas abattre, et je lui réponds :

-Bien sûr, le problème a été créé par les hommes. Ce sont donc les hommes qui doivent trouver les solutions. Le protocole de Kyoto est un petit pavé sur lequel ces solutions peuvent être bâties. D’ailleurs, quand je parle des hommes qui ont créé le problème, ça inclut les croyants comme les non-croyants, y compris les témoins de Jéhovah.

-Je vois que vous ne connaissez pas bien le mode de vie des témoins de Jéhovah. Nous possédons ces solutions déjà, et celles-ci sont beaucoup moins complexes et beaucoup plus efficaces que le protocole de Kyoto. Il me fera plaisir de vous en parler. D’ailleurs ce magazine décrit bien ces solutions fondamentales à notre mal de vivre.

-Vous croyez vraiment qu’il y a une solution universelle au mal de vivre de chaque individu? Chacun ne doit-il pas trouver son propre remède à son mal, plutôt que de prendre la première béquille qu’il trouve, par paresse intellectuelle et besoin de réconfort : en communiant avec ses semblables?

Eh que je parle bien quand j’écris! OK, OK, je n’ai pas vraiment dit ça comme ça, mais c’est ce que ça voulait dire, et c’est ce que j’aurais dit si mon cerveau avait fonctionné plus efficacement. Georges ne s’est pas laissé abattre par ces belles paroles et il a poursuivi :

-Bien sûr que j’y crois, et j’en suis la preuve. Mon collègue et moi avons trouvé la sérénité et le bonheur grâce aux paroles de notre prophète.

-Tant mieux pour vous, Georges. Vous avez trouvé votre remède. Pourquoi ne pas en profiter pour faire quelque chose d’utile plutôt que de perdre votre temps à venir déranger d’autres gens. Ça me donne l’impression d’une entreprise à la recherche de nouveaux clients pour prendre de l’expansion et augmenter ses profits; je ne vois pas la sérénité là-dedans.

-Si vous aviez trouvé un remède au cancer, le garderiez-vous pour vous, ou est-ce que vous ne partageriez pas ce remède avec l’ensemble du monde, afin de sauver des vies?

-En tout cas, je ne ferais pas du porte-à-porte pour partager mon remède.

-C’est que la spiritualité est une chose bien personnelle.

-C’est justement ce que je vous dis. Votre remède n’est pas le mien. Chacun doit trouver son propre remède, sa propre raison de vivre et la route du bonheur.

Je sais, c’est quétaine, mais c’est quand même ce que je pense. Georges n’a pas semblé impressionné, et sans hésiter, il m’a lancé :

-Je crois que vous ne comprenez pas. Asseyons-nous, je vais vous expliquer nos idées et je suis convaincu que vous ne penserez plus de la même manière suite à cette discussion.

-Non, merci. Je n’ai plus le temps. Cette conversation a été des plus intéressantes, mais je souhaite y mettre fin.

J’étais tanné et j’avais faim. Je n’avais pas encore déjeuné. J’ai donc marché vers la sortie en les incitant à me devancer, ce qu’ils ont fait sans trop de résistance physique, mais se permettant une petite résistance orale :

-Prenez au moins ce magazine, que vous pourrez lire à votre convenance, afin de prendre connaissance de certains de nos principes qui pourraient vous intéresser.

-Non, merci, pas pour cette fois-ci. Je suis sûr qu’il y aura d’autres occasions. Des gens comme vous viennent me voir régulièrement.

… Leur ai-je dit en fermant la porte. Rien pour écrire à sa mère que cette conversation. Mais c’était suffisant pour stimuler le fameux Sean, un ami que je ne croyais jamais voir devenir une telle source de perturbations dans ma vie.

Sean avait tout entendu à travers les murs. C’est pas anormal d’entendre ce qui se dit chez les voisins dans un bloc comme le nôtre. Ce qui est anormal, c’est d’y prêter attention. Mais Sean est un obsédé de religion; entendre parler chez moi de religion, ou de croyance religieuse, l’a sûrement excité au plus haut point. C’est un anglican pratiquant, très pratiquant. Il s’est trouvé une église anglicane à Québec et s’y rend quelques jours par semaine. Il s’y est fait ami avec le prêtre. Il a obtenu un certificat en théologie à l’université de Sydney, en même temps que son doctorat en physique. Il a souvent essayé de m’initier à la chose, mais moi, en athée convaincu, et ne voulant pas remettre en question notre amitié (superficielle mais profitable pour nous deux dans un contexte de collaboration scientifique inter-continents), j’ai toujours su éviter le sujet. Sean pense que je suis frivole et non-spirituel, il ne sait pas que je suis croyant; je crois en l’athéisme comme source de sérénité, pour moi et pour beaucoup d’individus, une masse critique si possible, mais pas nécessairement pour tout le monde… En tout cas, il est à la veille de l’apprendre lorsqu’il cogne à ma porte pendant que je me fais mon toast au beurre de pinottes. 

-J’ai entendu ta conversation avec les témoins de Jéhovah, j’avais peur que tu ne te laisses convaincre d’entrer dans cette secte!

-Pas plus dans leur secte que dans la tienne, Sean. J’ai des convictions très fortes sur le sujet, basées sur une réflexion importante, malgré ce que tu peux penser.

-Je ne pense rien du tout, ce que je sais par contre c’est que tu ne m’as jamais laissé l’opportunité de te parler de mes propres convictions, également très fortes et basées sur une réflexion importante; comme tu le sais sûrement. J’aimerais bien te démontrer qu’une religion c’est bien plus qu’une secte et que l’athéisme peux te mener à la confusion totale. Je m’inquiète un peu pour toi tu sais.

Oh boy! J’étais pris dans une conversation de longue haleine que j’aurais mieux aimé éviter. En plus, elle se passait en anglais, au sujet de la croyance religieuse, avec un diplômé en théologie; ça regardait mal. Mais je ne pouvais quand même pas baisser les bras et me laisser rentrer dedans…

-Ne t’inquiète pas, Sean, je vais très bien. Je suis bien plus inquiété par les fanatiques religieux qui se croient tout permis par leur dogmatisme, et qui n’ont aucune considération ou ouverture pour ce qui est différent de leur façon de vivre.

-On voit que tu parles de choses que tu ne connais pas bien. Les croyants sont guidés par la parole de Dieu. Ils font le bien autour d’eux et ne sont certainement pas ouverts à des attitudes malsaines qui pourraient leur nuire et nuire à leur entourage. Je suis probablement pour toi un fanatique religieux, est-ce que tu me crois dangereux?

-Je te crois beaucoup plus dangereux que moi. Si ton ami prêtre ou un leader anglican te demandait de faire quoi que ce soit, tu n’oserais jamais le contredire et tu pourrais faire à peu près n’importe quoi!

On commençait tous les deux à s’énerver sérieusement, il fallait essayer de baisser le niveau de tension. J’espérais que Sean saurait le faire, car moi j’avais l’impression que je n’y arriverais pas. Sean m’a alors lancé :

-Encore là, je crois que tu te trompes. Il était grandement temps que l’on se parle avant que tu ne démonises des anges. Les prêtres et les leaders anglicans restent des humains, je ne les écoute pas aveuglément. Il n’y a que la parole de Dieu que j’écoute aveuglément, et celle-ci se retrouve dans la Bible, et seulement là.

J’ai trouvé cet argument tellement rigolo que ça m’a calmé sur-le-champ. Je lui ai dit, un sourire en coin :

-Parce que la Bible est directement la parole de Dieu? Je croyais que c’était des humains qui avaient écrit ce document, les évangélistes dans le cas du nouveau testament. Ceux-ci ne sont pas des Dieux à moins que je ne me trompe. De plus, ce texte est de son époque, il est misogyne, violent et raciste dans certains segments. Il a été modifié au cours du temps et de ses nombreuses versions et traductions. Comment prétendre qu’il s’agit directement de la parole de Dieu?

-Les humains étaient directement inspirés de Dieu. Leurs textes doivent être interprétés afin d’en soutirer l’essentiel et ainsi contourner les passages du temps et des différentes versions. Quand les textes sont interprétés correctement, les passages misogynes, violents ou racistes disparaissent et révèlent leur vraie signification d’amour fraternel et de paix. C’est en grande partie la raison pour laquelle j’ai fait un certificat en théologie, afin de m’assurer de comprendre le message fondamental, plutôt que de m’arrêter aux premières impressions.

-Mais qui donc t’a montré comment interpréter ces textes, un humain? J’imagine que celui-ci aussi était directement inspiré de Dieu. C’est trop facile, on choisit ceux qui sont inspirés de Dieu et ceux qui ne le sont pas selon ce qui fait notre affaire. Pourquoi mon témoin de Jéhovah ne serait-il pas directement inspiré de Dieu, plutôt que ton professeur de théologie? Pourquoi ne seraient-ce pas les rédacteurs du Coran qui auraient été directement inspirés par Dieu?

-Excellent point! Je crois que la rédaction du Coran, autant que de la Bible, a été directement inspirée de Dieu. La Bible demeure le document fondamental, étant venue avant le Coran, mais ce deuxième document demeure important. En étudiant les deux documents comme je l’ai fait, on peut constater que ceux-ci ne sont pas du tout contradictoires. Ils sont d’ailleurs assez compatibles dans leur fondement spirituel. Évidemment, avec le temps, et les interprétations divergentes, les religions chrétienne et musulmane se sont éloignées, ce que je regrette. Des théologiens devraient intervenir pour ramener ces religions à leurs valeurs fondamentales, ce qui pourrait sûrement aboutir à un important rapprochement de ces communautés.

Tout ça est bien lourd et fastidieux, j’en conviens. Cependant, même si cette discussion est essentielle à la suite des choses, elle ne représente pas le ton que prendra la description de la situation dans laquelle je me retrouve maintenant. Le discours sera bien moins intello, beaucoup plus émotif, une fois que nous aurons passé à travers cette compétition verbale menant au championnat local du bien-être personnel. C’était mon tour de tenter de « scorer » :

-Pis Bouddha là-dedans, ne le négligeons pas, le pauvre!

-Écoute, cessons de parler de religion, on va s’y perdre. Parlons plutôt de Dieu, puisque tu n’y crois pas. Tu confonds foi et naïveté, tu ne crois pas en la beauté et la magie de l’humanité, mais seulement aux atomes qui nous constituent. Quelle est le sens de la vie si Dieu n’existe pas?

-D’abord, j’aimerais te demander de ne pas décider pour moi de ce que je crois et ne crois pas, ainsi que mes motivations derrière ces choix! Ensuite, le sens de la vie me semble évident. C’est le même que pour les autres êtres vivants. Nous reproduire, bâtir une société pouvant se perpétuer dans le bonheur. Pourquoi, nous les hommes, devrions-nous avoir un sens de la vie totalement unique par rapport aux autres êtres vivants? La vérité est souvent dans la simplicité.

-S’il te plaît, ne vas pas trop vite. Tu me dis que le sens de ta vie est le même que celui d’un rat ou d’un moustique. C’est pathétique, non?

-Pas du tout! Nous sommes un peu plus intelligents que les animaux, assez pour inventer un Dieu pour nous rassurer et nous sentir transcendants par rapport à la nature dont nous faisons partie. Mais il y a un continuum dans la nature. Je trouve beaucoup plus sain cette façon de se voir au sommet d’un continuum que d’être au-dessus de cette masse d’un autre niveau.

-Reste que c’est une triste vie. On survit, on ne vit pas vraiment.

-Je ne suis pas de cet avis Sean, bien au contraire. N’ayant pas de Dieu pour nous indiquer la voie et pour justifier des atrocités ou des banalités, je dois assumer ma vie entièrement. Faire des choix et en assumer les responsabilités. C’est vivre sa vie pleinement, sans être le pantin de personne.

-Tu dois être complètement stressé et insécurisé.

-Régulièrement, mais pas tout le temps. Je suis également régulièrement en harmonie avec mes choix et fier de ce que j’accomplis et qui ne dépend que de moi. C’est ça la vraie vie!

-Mais un jour, face à une difficulté que tu ne pourras assumer seul, tu craqueras. Soit tu tomberas dans la drogue, ou un autre paradis artificiel, soit tu verras enfin que la voie simple, la voie évidente comme tu dis, c’est celle de la foi, celle de Dieu, qui s’affirmera par la religion de ton choix… En espérant que celle-ci soit associée à un message de paix et d’amour.

-Je n’ai pas à assumer cette difficulté seul, j’ai des amis, un réseau de soutien, qui me donnera le temps de reprendre mes esprits et de faire face à la difficulté. Je ne dis pas que ma voie est la plus facile à vivre. C’est exigeant d’être complètement responsable de sa vie. Je dis cependant que ça me semble la seule façon pour moi d’être honnête avec moi-même. De plus, ça me semble le meilleur moyen d’assurer une société qui ne dérape pas.

-Comment ça, une société qui ne dérape pas? Une société individualiste va toujours se retrouver à ne penser qu’à son plaisir immédiat. Ça mène à l’anarchie ton affaire, Jeff! Il faut vivre en collectivité, autour d’un idéal!

-Le collectivisme réel n’existe pas, c’est plutôt de la paresse qui mène à suivre le leader le plus charismatique du coin. C’est ça le risque de dérapage dont je parlais. Tout part de l’individu, on ne vit qu’avec nous-mêmes, dans notre cerveau. Quand on veut faire du bien aux autres, la satisfaction est chez soi, on aime aider les autres, on se sent utile et heureux. L’altruisme est motivé de façon totalement individualiste. L’important est que nous soyons des individualistes conscients; conscients de l’importance de participer au bon fonctionnement de notre communauté… qui peut s’étendre de notre famille, jusqu’au monde entier.

-Tu parles bien! On aurait dû avoir cette conversation bien avant. Reste que l’histoire prouve que ton modèle ne fonctionne pas. Les sociétés athées ont fini en détresse, dans la décadence. Prends l’empire romain par exemple.

-L’empire romain s’est autodétruit car il n’a pas su faire la balance entre les plaisirs immédiats et ses responsabilités. Il a fait preuve d’arrogance et a payé pour. Cette arrogance était due au fait que les Romains se pensaient bénis par les Dieux, pas au fait qu’ils se sentaient des individus responsables du bon fonctionnement de leur société. Je te remercie d’avoir choisi cet exemple, je crois que tu consolides mon argumentation!

-Comment peux-tu expliquer la beauté, l’amour, le bonheur dans ton monde rationnel?

-La beauté, c’est la représentation du bonheur! Ce sont des images de notre interprétation du bien-être. Le bien-être, le bonheur, c’est ce qui assure sa survie, la survie de sa communauté, dans la détente. L’amour, c’est ce qui nous assure de former une communauté, et à l’extrême, ce qui nous assure de nous reproduire. En fait, c’est la loi de la sélection naturelle qui joue, comme pour les animaux, mais à notre façon.

-Pas trop vite, Jeff, je ne comprends pas ce que tu dis.

-Je dis simplement que la beauté, le bonheur et l’amour ne sont pas des concepts transcendantaux. Ils viennent de notre interprétation du monde qui nous entoure. L’amour, c’est la représentation du bien-être, du bonheur dans une autre personne qui nous accompagne dans notre objectif de survie à long terme. Avec un allié indéfectible, cette survie se fait rassurante, paisible et douce. On s’éloigne du précipice. On éloigne le danger et le potentiel de danger. La beauté devient des représentations de cet état de sécurité, si loin de remettre en question la vie que nous menons.

-Il y a des œuvres d’art saisissantes qui sont des représentations d’événements tout à fait pénibles et dangereux.

-Alors, je ne crois pas qu’on les trouve belles. On trouve plutôt que celles-ci ont une force d’évocation puissante et nous font vivre des émotions intenses, comme si nous y étions. Même si ces émotions sont négatives, on sait qu’elles ne sont pas réelles. On est donc impressionné d’avoir eu un instant le goût de s’enfuir, alors que l’on vit dans un milieu parfaitement sécuritaire et paisible. La même représentation dans un milieu où l’on vit le même genre de situation pénible ne serait pas du tout appréciée, j’en suis certain!

-Tu es beaucoup trop cartésien! Il n’y a donc aucune spiritualité chez toi, pas de magie? Dans ce cas, pourquoi la vie mérite-t-elle d’être vécue? Tu as lu L’histoire de Pi j’imagine, c’est un peu ça que ça dit.

-La spiritualité n’est pas le monopole des non-athées. Mon histoire moi, je la vis entièrement, je peux te dire que ça en vaut la peine. C’est tout un défi, et quand on répond à ce défi, la magie, le bonheur, la spiritualité, tout est là. La spiritualité, ce n’est pas le fait de croire en Dieu, c’est utiliser son esprit pour comprendre la vie; sa vie et tout ce qui l’entoure. Cette conversation ne te prouve-t-elle pas que j’aie amplement de spiritualité?

-Et tu ne crois pas aux bienfaits de la prière, je suppose?

-C’est bien de penser à ceux que l’on aime, d’espérer le mieux pour eux! Ça nous prépare à la réalité. C’est aussi bien de savoir que l’on pense à nous et que l’on espère le mieux pour nous. On se sent aimé, c’est rassurant. On retrouve notre communauté pour laquelle on souhaite le bien-être et la continuité. Appelle ça de la prière si tu veux!

-Et la vie éternelle, tu as une réponse à ça également?

-C’est ce qui motive les artistes à créer des œuvres qui demeurent. C’est ce qui motive les autres à laisser de beaux souvenirs à leurs enfants. Oui, je crois en la vie éternelle, transmise de génération en génération! Ma vie éternelle risque de provoquer plus d’actions étincelantes que la tienne! Qu’est-ce que ça apporte à la société de remercier Dieu pour nous avoir légué la vie éternelle?

-Si tu es si convaincu, pourquoi ne transmets-tu pas ton message? On verrait bien si ça tient la route!

-Les croyances spirituelles, ça ne se vend pas! Ça s’achète par contre, de soi à soi!

-Quelle poésie Jeff, tu vas me faire brailler!

-Si plus de gens pensaient comme moi, tu crois pas qu’il y aurait moins de guerres et d’attentats terroristes suicides? Si la personne qui se prépare à en tuer une autre savait qu’elle est entièrement, totalement responsable de son acte, n’y penserait-elle pas à deux fois, sinon trois? Si la personne qui prépare un attentat suicide savait qu’après sa mort, il n’y a pas de deuxième vie, mais qu’un souvenir laissé à ceux qui restent, n’y penserait-elle pas à deux fois, sinon trois?

-Car tu crois que les détraqués qui tuent le font toujours au nom de Dieu? Ils le font surtout au nom de leurs frustrations individuelles, de leur incapacité de faire face à la réalité qui les entoure!

-Ils le font au nom de Dieu ou pour d’autres raisons. Des détraqués, il y en aura malheureusement toujours. Dans une société d’individualistes conscients, on créé des conditions pour diminuer la possibilité de créer ce genre de détraqué. Souhaiter qu’il y ait moins de religieux fanatiques fait partie de ces conditions.

-Je vois que tu es très en forme ce matin….Cette conversation est bien intéressante, mais je dois y aller. Je dois assister à la messe de 10 heures et il est plus que temps que je m’y rende. Je vais repenser à cette conversation et j’espère qu’on pourra la continuer sous peu.

-Quand tu veux, Sean. Pourvu que ça ne te mette pas en colère et que ça ne m’empêche pas d’écrire ma thèse.

Évidemment, la mémoire étant sélective, j’ai un peu embelli le dialogue en ma faveur. C’est la nature humaine. Je reste cependant fidèle à l’essentiel des propos qui ce sont tenus ce matin-là. J’étais assez fier de moi. Je m’étais assez bien défendu me semblait-il. En tout cas, j’étais toujours aussi convaincu d’avoir raison.

Pour moi, ça demeurait une conversation intéressante, mais certainement rien pour changer ma vie. J’étais loin de me douter de l’effet que celle-ci avait eu sur le fameux Sean!

Depuis, j’ai réalisé que ce qui avait poussé Sean à faire un certificat en théologie n’était peut-être pas une volonté de pousser plus loin ses certitudes religieuses. Peut-être que Sean cherchait plutôt, au contraire, une façon de calmer ses doutes…

1 commentaire:

  1. Cette chronique m'a amusée et m'a fait repenser à une tranche de vie.
    J'ai su que mon père perdait la boule le jour dans lequel je l'ai vu ouvrir la porte à deux témoins de Jéhovah et offrir de venir s'asseoir à la table de cuisine avec nous. Durant toute ma jeunesse, l'avais observé à maintes reprises comment il leur claquait la porte parce que ceux-ci les importunaient...
    Bref, pas longtemps après cet incident, on a appris que mon père faisait de la démence. Ceci est une histoire vraie. Alors, take care ! :D

    RépondreSupprimer

Merci pour votre commentaire!