Chapitre 7. La remise sur pied

Le lendemain, je me suis réveillé tard et j’ai pris le temps de réécrire ce que j’avais commencé la veille. Il était presque midi quand j’ai pensé à appeler M. Hastings. J’avais complètement oublié ma promesse de lui téléphoner chaque matin à 10h, en plus de l’après-midi. Il n’a pas semblé trop m’en vouloir. Il ne m’a même pas rappelé ma promesse. Il me disait que tout allait de mieux en mieux. M. Hastings avait croisé le médecin ce matin, et il semblait bien que Sean réagissait correctement à la médication et qu’il pourrait quitter l’hôpital assez rapidement. Il y avait aussi eu une première rencontre avec le psychiatre, qui s’était bien passée. On lui avait dit que le congé n’aurait pas lieu avant mercredi midi cependant, le temps d’avoir reçu tous les résultats des tests sanguins et d’avoir pu observer des signes d’effets secondaires suffisamment longtemps. Sean semblait être redevenu lui-même. Je l’ai entendu qui demandait à son père si c’était moi au bout de la ligne. Quand son père a acquiescé, il a demandé à me parler. Il voulait me voir en après-midi, à l’heure qui me conviendrait, pour parler de ce qui était arrivé pendant et après le rassemblement, et des suites à donner à tout ça. Il semblait tout à fait posé en me transmettant sa demande. De mon côté, c’était clair, toute cette affaire était un mauvais souvenir et il n’y avait aucune suite à donner à ce cirque. Juste de penser que Sean pouvait voir les choses autrement me donnait un peu le tournis, ou la nausée, ou les deux. Je ne pouvais par contre pas refuser d’en discuter avec Sean. Dans son état, je ne pouvais pas refuser grand-chose à Sean de toute façon. J’ai accepté de le voir à 15 heures, l’heure de mon contact d’après-midi. Il a raccroché sans même me repasser son père. Il était redevenu le maître du jeu.

Entre midi et 15 heures, je me suis un peu ennuyé, un peu pogné le derrière. Je ne voulais pas recommencer à rédiger ma thèse, je me disais que j’avais trop peu de temps devant moi pour reprendre le fil et ajouter quelque chose de conséquent à un document qui m’intéressait plus ou moins en ce moment. Je ne pouvais pas appeler Catherine, pas plus que mes amis, qui étudiaient ou travaillaient. J’ai donc écouté la télé. Mais c’est plate en maudit la télé, l’été, le lundi après-midi. J’ai beau avoir une trentaine de postes avec le câble, je n’ai rien trouvé d’intéressant. Ça m’a donc aidé à me motiver pour la rencontre avec Sean. Je n’ai rien préparé à ce sujet, j’allais le laisser venir et insister pour lui dire de passer à autre chose au plus vite.

Sean m’attendait en lisant le journal, son père à ses côtés, envoyant des courriels à partir de son téléphone ; le gros calme. C’était à se demander si M. Hastings n’aurait pas été mieux dans le confort de sa chambre d’hôtel, et si Sean n’aurait pas apprécié un peu de solitude par rapport à son paternel. Quand il m’a vu, Sean a demandé à son père de nous laisser. On voyait que ça ne faisait pas plaisir à M. Hastings, mais ils en avaient parlé avant et M. Hastings savait qu’il n’avait pas le choix de se résigner devant la demande de son fils. J’ai remis à Sean les livres demandés, ce qui l’a réjoui.

-Tu sais Jeff, j’ai pris le temps de bien tout me repasser les événements dans la tête. Ce n’est pas si grave que ça si le rassemblement n’a pas donné les résultats escomptés. Je suis quand même content de l’avoir fait. Au moins, on aura essayé.

C’était bien lui, mais pas tout à fait. Les anglophones diraient qu’il était un peu beside himself. Il parlait encore plus lentement qu’à l’habitude. Les médicaments fonctionnaient, mais laissaient quand même leur trace.

Encore une fois, en me parlant, Sean utilisait le « on » en parlant de « notre » rassemblement. Je n’aimais pas ça du tout, mais j’ai décidé d’absorber. J’étais quand même relativement rassuré par ce que j’entendais.

-Je suis d’accord avec toi Sean. C’était une belle tentative, une expérience enrichissante, mais en mettant les choses en perspective, le résultat obtenu n’est pas bien grave. Ce n’est pas ça qui doit changer ta vie.

Sean a semblé être froissé par ce que je venais de dire. J’avais pourtant l’impression d’avoir répété ce qu’il venait tout juste d’exprimer. Il m’a fait savoir que ce n’était pas tout à fait le cas.

-Ça aurait pu changer ma vie. Ça aurait pu mener à quelque chose de très bien, mais ça n’a pas été le cas. Peut-être que le médium choisi n’était pas le bon ?

-Je crois que personne n’est à blâmer, Sean. Tu fais bien de constater les choses comme elles sont. Il ne faut pas vivre avec des remords. Il faut passer à autre chose.

Plein de petites phrases creuses de psychologie à 5 cents, auxquelles je croyais tout de même, mais que Sean ne semblait pas du tout écouter.

-J’ai mis trop d’espoir dans cet événement. J’ai créé quelque chose pour me flatter l’orgueil, puisque, comme tu le sais, celui-ci avait été récemment blessé. Je ne referai plus cette erreur.

C’était la première fois que Sean m’exprimait ses sentiments par rapport à sa rupture avec Maria. J’avais comme l’impression que c’était aussi la dernière.

-Bof ! Ça arrive à tout le monde de faire des erreurs.

Que je lui ai dit pour éviter un silence.

-Tu avais raison, il y a d’autres moyens pour partager l’idée d’individualisme conscient. Des moyens plus humbles, plus en harmonie avec qui je suis et avec mes valeurs religieuses.

-Le moyen idéal selon moi, c’est celui que j’ai adopté. Je vis ma philosophie avec fierté, mais je n’en parle pas à moins que l’on me le demande. Je crois que ça évite toutes sortes de malentendus et ça assure que tout le monde se sente respecté.

-Il faut aller un peu plus loin que ça Jeff. Je suis d’accord qu’il ne faille pas forcer les gens à entendre le message, qu’il ne faille pas créer d’événement populaire qui risque de déraper. La solution me semble simple, pourquoi ne pas écrire un livre sur le sujet ? Qu’en penses-tu ?

Je ne pouvais quand même pas blâmer Sean d’en être arrivé à la même conclusion que moi, mais pas question de partager avec lui le mérite du livre en cours, j’étais déjà trop avancé.

-Un livre sur une précision philosophique mineure, il n’y a pas assez de contenu pour écrire un livre ! Peut-être pourrais-tu écrire un pamphlet, mais il serait aride, et je ne sais pas qui ça pourrait intéresser ? Je ne suis pas certain que ce soit une si bonne idée ?

-Il faut que tu trouves que c’est une bonne idée, car j’ai l’intention de l’écrire avec toi, ce livre !

Là je me retrouvais coincé. Il n’était pas question que j’écrive un autre livre. Il n’était pas question non plus que j’avoue à Sean que j’avais déjà entrepris la rédaction d’un livre, ou quelque chose du genre.

-Ne t’en fais pas pour moi Sean, tu peux écrire ce livre tout seul si ça te chante. Tu pourras même faire référence à moi si tu veux. Mais je ne veux pas être co-auteur avec toi. De toute façon, comment veux-tu écrire un livre à deux auteurs ? Écrire c’est personnel ! J’écris ma thèse en ce moment, et je ne vois vraiment pas comment je pourrais partager cette rédaction.

-Tu la partages avec Alain, ton directeur de thèse.

-Alain ne fait que réviser le texte, ce n’est pas un co-auteur. Si tu veux, je peux réviser ton texte et te faire mes commentaires. Par contre, si je ne suis fondamentalement pas d’accord avec la forme que prend ton texte, alors je serai trop critique et je ne serai sans doute pas la bonne personne pour t’aider.

-Et pourquoi on ne serait pas capable d’écrire chacun de notre côté différents chapitres qui formeraient un tout?

-Un, parce que ça ne m’intéresse pas, et deux, parce que la forme que je donnerais au document serait bien différente de la tienne. Moi, je prendrais une perspective humaniste. Je témoignerais de la réaction des gens par rapport à cette idée, je témoignerais du rassemblement par exemple.

Je m’embarquais sur une piste un peu dangereuse. Je défendais ce que j’écrivais en ce moment à travers cette discussion. Qu’est-ce que je cherchais en faisant ça, je ne sais pas trop ? Une caution de la part de Sean ? Pourquoi aurais-je besoin d’une telle caution ? En tout cas, je devais être prudent pour ne pas m’échapper et livrer mon secret. Il faudrait aussi que je demande à Catherine d’être discrète à ce sujet.

-Tu veux faire un roman populaire ? Ce n’est pas très différent d’un rassemblement populaire. Ça va déraper, le concept va prendre l’arrière-plan et on va encore passer à côté.

Il faut admettre que Sean avait raison. Mon texte avait initialement été motivé par le concept d’individualisme conscient, ou la réaction de Sean envers celui-ci, mais ce concept n’était plus la trame principale du texte. C’est que je réalisais, en écrivant ce texte, à quel point ces notions philosophiques sont secondaires par rapport à mes sentiments amoureux, par exemple. C’est vrai que Sean n’avait plus ça, en tout cas pas sous la forme de couple. Il était plus disposé à ce que ça prenne beaucoup de place dans sa vie. Il voulait donner un sens à sa vie, se montrer utile à la société, se valoriser vis-à-vis le monde extérieur. Moi, tout ce que je voulais c’était me valoriser par rapport à Catherine, et je savais que de prêcher la bonne parole ne ferait pas le travail.

-Tu as sans doute raison Sean, mais je ne suis absolument pas intéressé par un essai écrit exclusivement sur le concept d’individualisme conscient. Je vis ça à ma façon et c’est tout ce qui m’importe. Les autres peuvent faire ce qu’ils veulent, je m’en balance un peu.

-Ton concept d’individualisme conscient ne marche pas si tout le monde agit en individualiste égoïste ou en collectiviste de clan, en opposition à d’autres clans. Tu ne peux pas vivre ton bonheur tout seul en regardant le monde s’écrouler autour de toi.

-Tu exagères Sean, le monde ne s’écroule pas. L’individualisme conscient existe déjà sans qu’on ait à le nommer ; c’est un peu le concept de la famille non ? Il y a tellement de livres sur des sujets de développement personnel, celui-ci a peut-être déjà été écrit et il est passé inaperçu, ou encore il passera inaperçu. Sinon, on ne sait jamais, il sera travesti et mènera à un dogme, un collectivisme de clan comme tu dis, qui sera dangereux. On ne peut pas gagner. Laisse tomber, prêche par l’exemple, sois heureux et oublie le reste.

-Je ne peux pas, Jeff. Présentement je me tourne vers mon Dieu, vers ma religion, pour me soulager de mes blessures, et je suis persuadé que c’est la mission que je dois poursuivre. Mes prières m’amènent là, c’est devenu une évidence. Je dois faire quelque chose, ce n’est pas grave si ça ne donne rien. Il faut que j’essaie. Il faut par contre que je le fasse dans l’humilité, contrairement à ce que j’avais déjà entrepris. Si je ne le fais pas, je vais le regretter toute ma vie.

-Alors fais-le Sean, mais fais-le à ta façon, sans co-auteur. Je serai là pour t’appuyer d’une façon ou d’une autre si c’est ce que tu veux vraiment.

Je sais que c’est ce qu’il fallait dire, mais je ne savais pas si j’allais vraiment pouvoir avoir une attitude si sereine par rapport à son initiative. Imaginons un instant que je finis mon livre avant le sien et que j’aie l’intention de le faire publier. Il faudra que j’en informe Sean, je parle de lui à tour de bras. Comment va-t-il réagir à ce moment-là ? Va-t-il bloquer la publication de mon projet ? Alors, ce sera la guerre ! En plus, il sera frustré que je lui aie menti, ou en tout cas que j’aie omis de lui mentionner mon projet lorsque j’en avais la chance. Par contre, si je lui en parlais maintenant, il pourrait arrêter le projet avant qu’il ne soit complété. Le sien ne verrait peut-être jamais le jour et le mien serait arrêté, sans aucune raison. Je savais par contre que Sean avait de grandes qualités de rédacteur; il était prolifique, rigoureux, fort en syntaxe, mais plate. S’il voulait vraiment écrire son livre, il allait réussir. Allait-il être édité cependant ? Ça me semblait moins évident. Les publications scientifiques acceptaient avec plaisir des textes rigoureux, mais plates ; pas les éditeurs de livres. Il existe des livres philosophiques plates qui ont été publiés, mais leurs auteurs ont fait leurs preuves dans ce monde de la propagande des idées bien avant ces publications; ce n’était pas le cas de Sean. À moins que le dernier rassemblement ait créé un effet plus grand que ce que je croyais. La solution pour moi était peut-être d’attendre de voir si son livre allait être édité avant de tenter quelque chose avec le mien. Ou bien de ne pas faire éditer mon livre du tout, ce ne serait pas si grave. L’important par contre, c’était de le compléter, de l’écrire. Y faudrait bien par contre trouver comment y mettre un terme. Je n’allais quand même pas écrire ce journal jusqu’à ma mort. J’avais d’autres choses à faire, moi! J’avais une thèse à finir, un job à trouver, un mariage à organiser…

-Coudonc Jeff, m’écoutes-tu ?

C’est alors que j’ai cru trouver une porte de sortie tout à fait élégante.

-Excuse-moi Sean, j’étais un peu perdu dans mes pensées. Ne dois-tu pas rencontrer un psychiatre sous peu? Tu devrais lui en parler. Voir si dans ton état actuel, c’est une bonne idée de prendre une telle décision ou d’entreprendre un tel projet. Tu pourrais te donner un peu de temps non?

-Moi qui pensais que tu reconsidérais la possibilité que l’on s’associe! J’ai vu la psychiatre quelques minutes ce matin, juste pour faire les présentations. Elle va repasser dans quelques minutes. Tu vas peut-être avoir l’occasion de la rencontrer…Je peux bien lui en parler pour lui demander son avis, mais ce ne sera pas le seul avis sur lequel je vais compter. Je vais consulter le révérant de ma paroisse australienne, mais je vais surtout prier pour m’assurer que je fais la bonne chose. Cette étape est déjà entreprise comme tu le sais.

-Tu es sous médication Sean, tu es sûr que ta prière n’en est pas eu peu affectée?

-Je n’hallucine pas Jeff, je prie. Je suis un peu ralenti, mais mon âme n’a pas été modifiée!

-Comment peux-tu en être si certain?

-Je vais en parler à la psychiatre pour vérifier, ça te va ça?

-Oui, ça me va. Par contre, tu me sembles tellement décidé que je ne vois pas vraiment comment la psychiatre pourra te faire changer d’idée.

-Je ne vois pas moi non plus. Mais je te promets de garder l’esprit ouvert. Bien honnêtement par contre, je crois que la psychiatre risque d’appuyer ma démarche. C’est très thérapeutique ce genre de d’initiative de coucher sur papier ce qui nous a tant perturbé. Tu ne penses pas?

-Mouais!

Il avait sans doute raison, l’animal. J’allais être pogné pour gérer sa rédaction, parallèle à la mienne.

-Si je vais de l’avant, tu es toujours certain que tu n’embarques pas?

-Il n’est pas question que je sois co-auteur, ça tu peux oublier ça tout de suite. Je me demande par contre aussi comment je vais pouvoir t’aider, et si ton livre a vraiment des chances d’être publié.

-Si tu m’avais écouté, tu aurais su que la publication est secondaire pour moi. L’important c’est de l’écrire. Je pourrai ensuite partager le texte avec mon entourage, on verra si cet entourage peut être plus ou moins large, ça n’a pas d’importance.

Maudite marde, j’avais l’impression de m’entendre réfléchir ! J’avais vraiment jamais anticipé que Sean et moi on pouvait penser de façon si similaire. Moi qui me pensais d’une profondeur analytique exceptionnelle, je me faisais remettre à ma place. Le journal de mon printemps n’intéressera personne s’il est bourré de banalités.

-OK Sean, dans ce cas, je t’appuie ! On s’entend par contre que tu ne me demandes plus d’être co-auteur.

-Ça marche ! De toute façon, pour être bien honnête avec toi, j’espérais que tu dises ça. Ce sera beaucoup plus facile comme ça et je m’assure, avant de commencer, d’avoir ton appui et de ne pas travailler pour rien.

J’aurais sans doute dû faire la même chose. Maintenant, il était trop tard !

-Tu vas lâcher ton travail à l’université Laval pour écrire ?

-Non, j’ai trop besoin d’argent juste pour me payer l’essentiel ; la bouffe et l’appartement. Je ne veux pas dépendre de mon père, c’est important que je me détache de son emprise. C’est ce que j’avais commencé à faire par mon stage à l’étranger, il faut que je complète le processus. Je vais écrire de soir et de fin de semaine. Comme tu sais, je ne suis pas sorteux. Je vais peut-être aller moins souvent à la messe, mais ça aussi se sera peut-être sain pour moi.

On peut dire que Sean retrouvait vraiment ses esprits. Il me semblait plus sage que jamais ; bien plus que moi. Peut-être que j’avais besoin d’un peu de lithium moi aussi.

-OK, je pense qu’on a réglé ça. Pis pour tes médicaments, c’est pas trop pénible à prendre ?

-Non, il s’agit simplement d’être discipliné. Comme tu sais que je le suis, je crois que ça ne posera aucun problème. Je ne vais pas essayer de les éviter, pour l’instant il est facile de constater que ça me fait du bien. Je ne veux surtout pas refaire de nouvelles crises comme celle d’hier. C’est vraiment complètement bouleversant ce genre de crise. Je sais que ce doit aussi l’être pour ceux qui la subissent, mais je crois que ce l’est encore plus pour ceux qui la vivent.

-Je n’ai pas de misère à te croire, Sean. Mais quand je te parle aujourd’hui, je n’ai pas du tout l’impression que c’était hier, j’ai l’impression que c’était dans une autre vie.

-En tout cas, y s’en est passé des choses ces derniers temps. Tu peux être certain que je vais ralentir le rythme un peu. Des fois, il faut s’arrêter et respirer. J’osais pas le faire ces derniers temps car j’avais peur que ça fasse mal. Mais on ne peut pas s’échapper de soi-même. À un moment donné, il faut faire face à la musique.

Encore cette allusion à sa rupture avec Maria à mots couverts. Peut-être voulait-il que l’on en parle davantage afin qu’il se vide le cœur ? J’étais certain que ça lui ferait du bien. D’un autre côté, je préférais jouer safe. J’avais suffisamment gaffé par le passé en faisant des remarques se voulant constructives, qui s’avéraient blessantes.

-Si tu veux en parler Sean, tu sais où me trouver.

-En tout cas, je tiens encore à te remercier. C’est rare que l’on trouve de si bons amis. J’en reviens pas encore de tout ce que tu as fait pour moi. On est quand même très différents, de culture, de religion, de langue, de continent même, mais ça ne t’a pas empêché d’être mon ami le plus précieux.

C’était touchant ça ! J’ai pris un grand respire pour que ça ne paraisse pas trop. C’était quand même étonnant. Ce sont les circonstances qui nous ont rapprochés, avant on était des amis d’opportunités, maintenant on était de vrais amis. C’était curieux, mais quand je parlais avec Sean, je ne me rendais même pas compte si je parlais en français ou en anglais. Ça venait tout seul maintenant, c’était facile. Catherine est définitivement une amie plus précieuse que Sean, mais il est quand même dans le top 5 du palmarès.

Sean en a rajouté un peu, et il n’aurait pas dû, ça a complètement brisé l’instant spécial qu’il avait créé :

-Ça veut dire que des cultures différentes peuvent vivre ensemble dans le bonheur. Est-ce que ça remet en question tes convictions souverainistes ?

-Pas du tout ! On doit vivre ensemble dans le bonheur, l’humanité ne doit faire qu’un. Par contre, il faut des regroupements administratifs à l’intérieur du grand ensemble, sinon ce serait le bordel. Ces regroupements doivent se faire de la façon la plus judicieuse possible pour permettre à tout le monde, dans leur culture et leur individualisme conscient, de s’épanouir le mieux possible. Si c’est bien fait, ça crée de l’empathie entre les différents regroupements et dans les sous-unités de ce regroupement.

-OK, arrête ça là, je regrette d’avoir amené ce sujet sur la table, ce n’était pas habile de ma part et je ne m’intéresse pas suffisamment à la question pour apprécier ton discours.

-T’as raison, je m’emballe vite quand on parle de ça !

Notre conversation s’est un peu terminée comme ça. Sean m’a demandé d’aller chercher son père qui devait faire les cent pas dans le corridor. J’ai encore demandé à M. Hastings s’il avait besoin de quelque chose. Il m’a dit que non. C’est vrai que maintenant, Sean était là pour faire la traduction au besoin. Il m’a informé que Sean avait contacté Maria par courriel aujourd’hui, une autre étape certaine vers sa complète guérison. Il m’a aussi dit de laisser faire pour les appels à chaque demi-journée. Je pouvais venir visiter Sean quand il me plaira. Je lui ai demandé s’il voulait que je lui remette sa Jeep, il a encore refusé.

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