Chapitre 6. La fin du break?

J’ai attendu que M. Hastings m’appelle avant d’essayer de rejoindre Catherine. L’attente, qui a duré environ 15 minutes, m’a vraiment paru interminable. La période de réveil de Sean s’initiait, mais il n’était vraiment pas en état de jaser pour l’instant, et sûrement pas pour encore un bon moment. Il souriait à son père cependant, ce qui me semblait être positif. On l’avait détaché, à la demande de M. Hastings, puisque tout se passait dans le calme. M. Hastings avait décidé d’attendre avant d’appeler sa femme pour la mettre au courant, il était encore trop tôt chez lui. Il semblait mal à l’aise avec cette décision et il cherchait sans doute un peu d’appui. Je lui ai donc dit que la situation n’étant pas critique, qu’il faisait bien d’attendre. De plus, un peu plus tard, Sean pourrait peut-être parler à sa mère, ce qui la rassurerait sûrement davantage. D’après moi, la mère de Sean n’était pas le genre de femme à garder son calme, surtout dans une situation d’impuissance pareille. Il fallait donc tout faire pour la rassurer à distance. M. Hastings a apprécié ma sagesse, surtout qu’elle correspondait probablement en tous points à la sienne. Il m’a fait une liste des choses que je devais ramener à Sean lors de ma visite du soir. Je n’avais pas nécessairement besoin du père de Sean pour constituer une liste si évidente, allant des bobettes à la brosse à dents, mais ça semblait lui faire plaisir. Je n’aurais sûrement pas pensé à inclure la bouteille de Vegemite à cette liste, alors son intervention à quand même été utile.

Le Vegemite, c’est un condiment typiquement australien, fait, si j’ai bien compris, d’extraits de levure provenant des cuves de brassage de la bière. Pour un étranger, ça a un goût, une odeur, et un look épouvantables ! Mais la plupart des australiens ne peuvent pas s’en passer maintenant qu’ils ont développé ce goût.

J’aurais bien ajouté quelques livres à la liste, mais je préférais attendre que Sean nous dise lui-même ce qu’il voulait lire. Je n’ai évidemment pas étiré la conversation indûment, puisque je n’oubliais certainement pas Catherine.

La cueillette des effets de Sean, ainsi qu’un nettoyage préliminaire des lieux, allaient attendre. J’ai appelé Catherine immédiatement, et elle a répondu à la première sonnerie. Mon cœur battait la chamade, comme disent les français. Quand elle a répondu, j’ai eu une petite nausée et une chaleur. Ça me rappelait mes premiers coups de fil pour inviter une fille à sortir avec moi, lorsque j’étais adolescent. Je me suis calmé plus vite qu’alors cependant. Catherine m’a aidé en me demandant tout de suite des nouvelles de Sean. Je suis revenu sur terre et je lui ai parlé du diagnostic et de l’hospitalisation de Sean qui était en cours. Je lui ai aussi mentionné les engagements que j’avais pris auprès de M. Hastings pour les prochains jours à ce sujet. J’ai aussi dit à Catherine que j’avais pris la liberté de laisser son numéro à M. Hastings, pour qu’il puisse me rejoindre, ou à tout le moins rejoindre quelqu’un, en cas de besoin. Elle ne s’en est pas formalisée, comme je m’y attendais. Catherine semblait vouloir poursuivre la conversation téléphonique, mais je l’ai coupée, ça ne pouvait pas durer ! Je lui ai dit que je préférais qu’on se parle en face-à-face le plus rapidement possible et que je n’avais pas le goût de parler d’autre chose que de nous. Elle a dit OK, d’un ton naturel. Je lui ai dit que je me rendais chez elle à l’instant même, juste le temps d’appeler mon papa pour lui souhaiter bonne fête des pères. Elle a répété son petit OK, a rajouté à tout de suite, et elle a raccroché. J’étais un peu hébété, elle ne semblait pas du tout émotive. C’est comme si elle faisait des pré-arrangements funéraires ou quelque chose du genre. Je n’étais pas rassuré par son ton. Moi j’avais les sentiments à fleur de peau. J’allais avoir de la difficulté à être reçu par une roche de froidure.

J’ai bien appelé mes parents. Ma mère voulait jaser, comme d’habitude, mais je n’étais pas en état pour ça. Je lui ai quand même rapidement résumé le déroulement de l’événement, ce qui devait correspondre à ce qu’elle avait lu dans Le Soleil. Je l’ai encore remerciée de ne pas être venue assister au rassemblement. Elle semblait un peu déçue, mais je n’avais ni le temps, ni l’intérêt pour la questionner à ce sujet.

J’ai pris mon courage à deux mains, et je suis parti en direction de chez Catherine sans délai. J’avais un gros 10 minutes pour réfléchir à la façon dont j’allais l’aborder, étant donné sa possible froideur, dont je devais maintenant tenir compte. Peut-être n’était-ce qu’une façade cependant, c’est facile d’être cool au téléphone, c’est autre chose en personne. J’ai quand même décidé de la laisser venir un peu, question de ne pas avoir l’air trop fou. J’ai marché très vite, mais ce n’était pas avec un enthousiasme profond cependant. J’étais nerveux, mais j’avais quand même hâte de savoir où on en était, d’arrêter de vivre dans l’incertitude.

Quand Catherine m’a ouvert, elle m’a tout de suite donné un câlin très chaleureux, ce qui m’a rassuré. Pas de baiser langoureux cependant, la partie n’était donc pas gagnée d’avance. Elle m’a regardé et m’a dit que j’avais l’air pâle.

-Est-ce que tu es certain que ça va ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette ?

-La journée a pas été facile. Je vais quand même bien, j’avais hâte qu’on se parle !

-Moi aussi j’ai hâte. Je crois que j’ai répété 50 fois le scénario de cette conversation.

-J’espère que je ne décevrai pas et que mes répliques seront à la hauteur de tes attentes.

-Arrête de niaiser pis viens t’assoir. Sois pas si nerveux, le scénario de congédiement n’a pas été retenu !

Finalement, elle était pas vraiment froide, elle était plutôt décidée. En me mentionnant, sur un ton léger, que la rupture était écartée, elle venait quand même de m’enlever le poids d’une tonne de briques sur les épaules.

-OK boss !

Je suis allé m’assoir rapidement, et je me suis mis à l’écoute. Il était évident que Catherine voulait prendre le contrôle de la conversation.

-Jeff, je suis rassurée. Ma panique par rapport à ta spiritualité n’existe plus. Avec du recul, je suis confortable avec la manière dont tu as géré les choses par rapport à l’événement, le rassemblement… Il était normal que tu te sentes dépassé au début de l’affaire, mais tu as finalement réagi comme je m’y attendais. Je t’ai bien reconnu, tu es bien celui que j’ai aimé et que j’aime encore, je ne me suis pas fourvoyée sur ton compte pendant deux ans, je n’ai pas créé une image du Jeff désiré à partir de mon imagination. Il y a eu une période hors de l’ordinaire, où des événements se sont précipités, il était donc normal que ça crée des remous dans nos vies.

En tout cas, ça paraissait qu’elle l’avait préparé son texte. Elle me lançait son analyse, qui me semblait juste, sans hésiter, en utilisant les bons mots. J’appréciais surtout le passage où elle mentionnait qu’elle m’aimait encore. J’ai été un peu pris au dépourvu quand elle m’a demandé :

-Es-tu à peu près d’accord avec ça ? Est-ce que ça te semble raisonnable ?

J’étais en pâmoison devant elle, alors j’ai un peu bégayé et bafouillé en disant :

-Oui, oui, je vois ça pas mal comme ça moi aussi.

Et puis, elle a poursuivi son monologue :

-Ceci étant dit, la pause qu’on a prise m’a permis de réaliser que je ne veux pas juste reprendre là où on était. Tu m’as fait réaliser que notre relation de confort ne correspond pas à l’intensité de nos sentiments l’un envers l’autre et qu’elle peut mettre notre relation à long terme en péril. Il faut que notre relation soit aussi intense que nos sentiments. Je crois qu’il est temps que l’on passe à un autre niveau, qu’on s’engage plus loin l’un envers l’autre. Mais avant, je veux être certaine que tu es prêt à passer à ce niveau supérieur.

-Je suis pas certain que je te suis. J’ai l’impression que tu me parles d’un jeu vidéo. Est-ce que tu veux qu’on aille vivre ensemble ? En tout cas, je te le dis tout de suite, je ne suis pas prêt à avoir des enfants maintenant. J’en veux, c’est sûr, mais je veux d’abord avoir un job qui a de l’allure.

-Je ne parle pas d’enfants, je suis d’accord avec toi là-dessus, ce n’est pas le moment. Je ne parle pas nécessairement non plus de vivre ensemble, quoique ça me semble une bonne idée.

-Tu parles de quoi alors ? Pas de mariage j’espère !

-Qu’est-ce que tu as contre le mariage ? C’est le genre d’engagement que je veux que l’on prenne l’un envers l’autre. Ça nous permet de s’engager et de l’annoncer au monde entier en même temps.

-Mais tu sais bien que je ne suis pas contre l’engagement. Je suis contre le fait que cet engagement doit être entériné par une autorité que je ne reconnais pas. Je ne veux pas me marier à l’église, je ne crois pas en Dieu. Je ne vais quand même pas réciter des engagements au nom de Dieu et faire l’hypocrite comme ta sœur l’an passé. Je te l’avais dit que je ne serais jamais capable de faire ça !

-Ma sœur ne croit pas plus en Dieu maintenant qu’avant, pas plus que son chum, et elle est très contente de son mariage. C’est le cérémonial qui compte ! C’est pas de réciter 2 ou 3 phrases ridicules qui vont nous empêcher de faire un beau mariage.

-C’est l’hypocrisie que je ne suis pas capable d’accepter. Ça me choque moi qu’un curé vienne me dire ce qu’est l’amour conjugal, alors qu’il n’en sait peut-être rien ; à moins qu’il ne respecte pas son serment envers l’Église, ce qui est tout autant hypocrite. Peut-être que je suis trop à cheval sur les principes, peut-être que je prends trop les choses au sérieux, mais c’est comme ça, ça me rendrait malade! Mes parents y croient en cette affaire-là, je ne peux quand même pas leur manquer de respect et leur donner l’espoir que suis converti envers une idéologie que je dénonce.

-Tes parents seraient les premiers contents que tu te maries à l’église. Ils ne poseraient pas de question comme tu le fais. Ils seraient juste contents.

-Mais moi je ne le serais pas. Je ne peux pas Catou. Rien que d’y penser ça me rend malade! Ça n’a rien à voir avec toi. Je m’excuse de t’empêcher de vivre ta journée de rêve, mais moi je ne peux pas! Si tu m’aimes vraiment, tu peux pas me demander de piler sur mes principes à ce point là…

-Et toi, si tu m’aimes vraiment tu te dois de considérer mes souhaits, pas juste les tiens.

-Mais c’est contre tes principes aussi. On peut sûrement obtenir ce que l’on veut sans passer par l’église. Je suis prêt à m’engager envers toi pour la vie, et devant qui tu voudras, mais je préfère de beaucoup que ce ne soit pas à l’église.

-Maintenant tu préfères de beaucoup. Est-ce que je sens une ouverture ?

-Tu as raison, si c’est vraiment essentiel pour toi, si vraiment il n’y a aucune alternative et que sans un mariage à l’église notre couple est remis en question, je vais mettre la switch à off pendant une journée et je suis prêt à vivre ce calvaire pour toi et pour nous. Mais il n’est pas question que l’on subisse de cours de préparation au mariage, je ne serais pas capable de toffer sans insulter le pauvre curé qui s’en occuperait.

-C’est pour ça que je t’aime Jeff! Tu es le gars le plus généreux que je connaisse. Mais je ne veux pas t’imposer un calvaire. On va trouver autre chose. Le mariage civil semble une évidence, mais je suis mal à l’aise avec ça. Je trouve ça froid. Je ne vois pas ce qu’un juge que l’on ne connaît pas a à voir avec nous.

-Au moins on respecte les lois qu’il représente, ce qui n’est pas le cas des lois de l’église catholique. Mais tu as raison, un mariage civil ne me semble pas un compromis enthousiasmant.

-Au moins, c’est un engagement contractuel. Ça protège l’un et l’autre au cas où ça tournerait mal par la suite.

-Cat, tu sais bien que c’est pas vrai. Les conjoints de fait au Québec ont autant de droits que les conjoints mariés. On signera un contrat on the side qui ressemblera à la communauté de biens si tu veux. Tu sais bien que mon engagement ne sera pas moins significatif si je ne le fais pas devant un juge ou un prêtre, ce sera peut-être même le contraire. Je ne deviendrai pas non plus un écoeurant du jour au lendemain parce qu’on n’a pas de contrat de mariage. Les mariés sont loin d’être à l’abri des divorces. Moi j’y crois que l’on peut vivre ensemble toute la vie, et fonder une famille. Ça se passe entre toi et moi, j’ai besoin de personne pour l’autoriser.

-Tu as la foi en nous ?

Elle a dit ça avec un sourire irrésistible !

-Je ne pensais jamais dire ça, mais oui, j’ai la foi !

Et on a fini par y arriver à ce baiser langoureux que j’espérais tant. Dès que nos lèvres se sont touchées, j’étais en mode passion, il n’était plus question de lâcher Catherine. Par contre elle, après un court abandon, s’est tout de suite ressaisie et a essayé de freiner mes ardeurs.

-Jeff, c’est pas que j’en ai pas le goût, mais on a encore des choses à régler. Je ne veux pas que l’on saute des étapes.

J’ai un peu insisté, mais pas trop. Catherine semblait bien décidée et tout seul, je ne pouvais pas faire grand-chose d’intéressant. J’ai donc cédé. J’étais déjà en érection, ce qui était un peu gênant, mais je me suis croisé les jambes et je me suis reconcentré sur la conversation en cours. C’était pas facile !

-Merci Jeff, si tu avais insisté, j’aurais eu de la misère à résister, mais c’est mieux comme ça. On a tout le temps de se reprendre.

Avoir su ! Je me dois maintenant de jouer au galant homme qui préfère poursuivre la conversation plutôt que de profiter de l’occasion. Une chance que mes chums ne sauront jamais ça !

-Jeff, c’est niaiseux, mais je n’arrive pas à faire mon deuil de ma robe à crinoline blanche et de l’image de toi, m’attendant au bout de l’allée, pendant que je m’avance au rythme de la marche nuptiale.

-Moi, j’arrive pas à faire mon deuil de tous les cadeaux que l’on aurait pu recevoir à notre mariage.

-Arrête donc de niaiser, je suis sérieuse !

-Je comprends, c’est aussi ancré dans mon imaginaire. Mais mon imaginaire n’est pas ma principale composante, ou en tout cas, ce n’est pas mon fondement ; enfin je préfère me voir comme ça. Pourquoi on organise pas notre cérémonie à nous, avec toutes tes spécifications, on invite le monde qu’on aime et on se jure fidélité et amour? Après, on fait un gros party.

-Y faudrait quand même pas que ça fasse trop culcul. Il faut aussi s’assurer que le monde va embarquer. Juste les invitations, comment on annonce ça aux gens : Jeff et Catou se jurent fidélité et amour, ne manquez pas ça !?

-On est pas obligé de décider de tout ça tout de suite. On peut prendre le temps d’y réfléchir non ? En autant qu’on s’entende sur ce que l’on veut faire, après on peut s’entendre sur le comment.

-Tu sais, j’avais dans la tête qu’on ne reprenne pas officiellement la relation ensemble avant que l’on ait franchi cette étape. Dans ce cas, peut-être que tu vas trouver qu’on a pas tant de temps que ça.

-T’es pas sérieuse ? Ça prend du temps organiser tout ça. On va quand même pas se morfondre encore chacun de notre côté pendant plusieurs mois. T’es sûre que t’en fait pas trop ?

-T’as peut-être raison, mais je garde une exigence, par contre. Ce point-là, je l’ai bien mûri et c’est non-négociable ! Maintenant que l’on sait que l’on veut se pseudo-marier, j’aimerais que l’on y pense vraiment comme il faut. Avant de se jurer fidélité pour la vie, j’aimerais qu’on s’assure que l’on va être confortable avec le concept de ne plus avoir aucun autre amant jusqu’à la fin de nos jours. Serais-tu capable de refuser les avances d’une autre ?

-Premièrement, je suis d’avis que l’on a pas à être gêné d’utiliser le terme mariage dans notre cas. Ça n’appartient pas aux curés ou aux juges ce mot-là, ça appartient à la culture humaine et un point c’est tout. On se marie, mais à notre façon, c’est aussi simple que ça, et ça règle ton problème de texte d’invitation. Deuxièmement, pour refuser les avances d’une autre, il faudrait que je sois conscient de celles-ci. Tu sais très bien que je ne me rends jamais compte quand une fille me fait de l’œil. Je t’ai été fidèle depuis les 2 ans que nous sommes ensemble, alors j’ai fait mes preuves il me semble.

-Premièrement, tu m’as dit récemment que Stéphanie s’intéressait à toi, alors tu sembles avoir trouvé le moyen de te rendre compte de quelque chose ; à moins qu’elle ne te l’ai dit directement, ce qui ne me surprendrait pas d’elle. Deuxièmement, ta fidélité des deux dernières années ne veut rien dire. Ce n’était pas dans un contexte où tu t’engages pour la vie. C’est à partir de maintenant que ça compte.

-Tu vas quand même pas me demander d’attendre encore deux ans pour te prouver mes capacités de fidélité!

-Pas deux ans, mais deux semaines, on peut se voir pendant ces deux semaines-là, mais pas trop souvent, et surtout on ne couche pas ensemble. On peut se parler du concept de notre mariage à venir, mais on n’organise rien, on ne réserve rien, jusqu’à cette échéance, si celle-ci nous mène à un succès.

-Tu deviens la championne des périodes de break toi ! Pourquoi deux semaines, pourquoi pas une semaine seulement ? De toute façon, comment on ferait pour savoir si un ou l’autre de nous deux a fait une connerie ?

-Ça paraîtrait, ce serait évident. Moi, je ne pourrais jamais te le cacher, et toi non plus, je te connais. Tu n’es pas un hypocrite et tu es un idéaliste. Si tu réalises par toi-même que tu n’es pas prêt à t’engager avec moi pour la vie, tu vas être le premier à me le dire. Je te demande juste de prendre le temps d’y réfléchir afin que l’on soit certain que c’est la bonne décision à prendre.

-Mais j’ai déjà pensé à tout ça ! C’est pas ce que l’on a fait dans les dernières semaines ? Et pourquoi pas une semaine plutôt que deux ?

-J’y ai pensé, et je trouve qu’une semaine passe trop vite. Deux semaines me semblent raisonnables.

-Ce ne sont pas les arguments du siècle, c’est très instinctif ton affaire.

-As-tu de meilleurs arguments pour limiter cette période à une semaine ?

-Pas vraiment, on peut tirer à pile ou face si tu veux ?

-Arrête de faire des farces avec ça ! Moi j’y tiens à mon deux semaines. Les décisions instinctives ne sont pas nécessairement mauvaises.

-OK, OK, si c’est comme ça ! Est-ce que je vais pouvoir m’organiser un party de fin de vie de garçon pendant ces deux semaines ?

-Si tu veux. Par contre, tu serais peut-être mieux d’attendre qu’on s’engage vraiment dans le processus du mariage avant d’amorcer les préparatifs, même ceux de ce genre-là.

-Bof ! Je pourrai toujours en organiser un autre plus tard.

-Jeff, ce sont les amis qui organisent les partys de fin de vie de garçon. À ce que je sache, ce n’est pas toujours agréable. As-tu déjà entendu parler des parades en ville, attaché sur une plate-forme à l’arrière d’un camion ?

-C’est de l’histoire ancienne ça. Les partys auxquels j’ai participé se passaient dans des bars de danseuses et le jubilaire avait pas l’air de souffrir tant que ça.

-Si tu veux aller aux danseuses, gênes-toi pas pour moi. Tu ne t’es d’ailleurs jamais gêné par le passé. Tu peux appeler ça un party de fin de vie de garçon si tu veux.

-C’est mieux d’appeler ça un party de fin de vie de garçon, comme ça ce sont les autres qui paient pour les danses et pour la bière.

-Ton côté pingre m’impressionnera toujours, M. Lahaie !

-Et est-ce que je vais pouvoir continuer à aller aux danseuses une fois que je serai marié avec toi ?

-Si c’est au rythme actuel, soit environ une fois par 2 ans, je n’y vois pas d’inconvénient.

-Si c’est comme ça, ma réflexion est terminée, on peut se marier. Tu vois, ça n’a pas pris deux semaines après tout.

-Jeff !!!!

Et elle m’a fait ses yeux méchants qui me font tant rire et que j’aime tant.

-OK madame !

-Bon, quand est-ce que tu vas visiter Sean, j’aimerais bien y aller avec toi.

-Il faut que j’y sois à 8 heures. Je dois prendre quelques affaires chez lui avant de me rendre à l’hôpital. Il faudrait pas oublier de souper non plus. Je t’invite ?

-Où est-ce que tu veux aller ?

Finalement, comme on avait pas beaucoup de temps, on a choisi un petit comptoir à pizza pas loin de chez moi. Elle a été pas mal impressionnée quand je lui ai dit que M. Hastings me prêtait sa Jeep. Je crois qu’on va aller faire un tour de « machine » après avoir visité Sean. Malheureusement, pour le parking, ce sera pas possible avant deux semaines, et je n’aurai fort probablement plus de Jeep à ce moment là. Après la bouffe, nous sommes allés chercher le nécessaire ensemble chez Sean. Quand Catherine a vu les dégâts dans la cuisine, elle a compris l’ampleur de la crise que nous avions vécue. On a ramassé ce qu’on pouvait afin que la cuisine de Sean n’ait plus l’air d’une zone sinistrée. À part le sang et les trous sur le mur, ça allait. On s’est ensuite rendu à l’hôpital en couple. Une partie de la pause était effectivement complétée. Je devrais patienter encore deux semaines pour avoir droit à l’ensemble des bénéfices catherinaires ; ça ne me semblait pas si difficile.

Quand on est arrivé, Sean était éveillé. Très, très relaxe, anormalement relaxe, mais c’était bien Sean, et on pouvait communiquer avec lui. Il venait tout juste de parler à sa mère et me disait qu’elle ne s’en faisait pas trop ; ce que m’a confirmé son père d’un petit hochement de la tête que j’ai perçu du coin de l’œil. Sean semblait bien comprendre ce qui lui arrivait. Il s’est même excusé pour le trouble qu’il avait causé. Je lui ai dit de ne pas trop s’en faire avec ça. Il ne semblait pas du tout surpris de me voir avec Catherine, il n’a fait aucune remarque, ni posé aucune question à ce sujet. On a vérifié avec lui que l’on avait rien oublié en ce qui concerne les petites choses que l’on venait de lui apporter. Il a lui-même mentionné que ce serait une bonne idée de lui amener des livres. Il m’a parlé de quelques livres de Henning Mankell qui étaient entassés sur sa table de nuit. J’étais surpris de constater que Sean lisait des livres populaires comme ceux-là, je l’imaginais davantage lire des essais philosophiques sérieux. En même temps, un homme a bien le droit de se détendre. Dans ce cas, Sean en avait bien besoin. J’allais lui apporter ses livres demain. Sean a baragouiné quelque chose du genre : je m’en remets maintenant à l’amour de Dieu, le seul vrai amour. J’ai laissé passer. Je ne savais pas trop s’il divaguait ou pas. Reste que ça me semblait complètement aberrant comme affirmation ; et l’amour que son père lui portait, il n’était pas vrai, et mon amour pour Catherine ?...

La visite ne s’est pas tellement prolongée, on avait l’impression de déranger. M. Hastings s’est contenté de saluer Catherine, même si c’était la première fois qu’ils se rencontraient. J’imagine qu’il était pas mal fatigué. Je l’étais aussi en fait. J’ai posé les questions d’usage au sujet des nouvelles médicales. Les premières doses de médicament avaient été injectées et tout semblait bien se passer; à voir l’état cool de Sean on l’avait bien deviné. J’ai aussi demandé si on avait besoin de nous pour quoi que ce soit d’autre, mais ce n’était pas le cas. Catherine et moi sommes donc sortis, un peu rassurés, mais aussi un peu mal à l’aise par rapport à cet accueil plutôt froid.

J’ai suggéré à Catherine d’aller faire un tour de Jeep, mais elle a refusé. Elle aussi était fatiguée. Alors, je n’ai pas insisté. De mon côté, j’avais pas mal de contenu à écrire avant de me coucher, alors ça faisait presque mon affaire. Je savais de toute façon que ce n’était que partie remise. En la raccompagnant, on a convenu de s’appeler le lendemain soir, pour décider ce que l’on ferait lors du congé de la Saint-Jean-Baptiste qui s’en venait.

Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ce serait une fête des pères tout à fait mémorable pour les Hastings, sûrement un beau souvenir dans quelques années…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci pour votre commentaire!