Chapitre 5. Suite de proverbes et autres réflexions

J’ai effectivement beaucoup réfléchi. Sean avait raison au moins sur un point : fondamentalement on fait les choses pour nous, mais ça ne veut pas dire que ça ne fait pas de bien aux autres. Je savais ça, c’était même à la base de ma réflexion sur l’individualisme conscient. La question était donc de savoir si j’allais effectivement me faire du bien en participant à ce rassemblement. Si ce n’était pas le cas, c’était game over. Si c’était le cas, il me fallait aussi m’assurer que je ne faisais pas de mal aux autres en me faisant du bien. Dans les deux cas, la réponse ne me semblait pas évidente.

Mon grand désavantage de participer à tout ça, est que ça m’entraîne plus loin dans le tourbillon, si le tourbillon se maintient. Ainsi, je risque fort de perdre Catherine. Je risque fort de perdre bien des choses de la vie que je me suis bâtie et que j’apprécie. Si je participe et ça floppe, je ne risque que d’avoir l’air fou, ce qui n’est pas si grave en somme.

Mon grand avantage, est que si ça marche, je peux m’embarquer dans une nouvelle aventure exaltante, qui me mènerait je ne sais où. Qui me ferait vivre des expériences intenses que je n’aurais pu vivre autrement. Ce serait la grande vie, celle où l’on est un instrument de quelque chose de plus grand que nous, qui nous dépasse. Il y a aussi la possibilité de faire le bien autour de nous. Si ça floppe, il n’y a aucun avantage, et les désavantages, je les vis déjà, alors ça ne doit pas peser lourd dans la balance. Ma réflexion doit donc se concentrer sur le cas où l’initiative de Sean pogne et me mène à quelque chose de plus grand.

Le choix se fait donc entre le haut-risque / haute-récompense, et la continuation de mon travail entrepris vers un bonheur qui s’annonce, mais qui n’a rien de certain. Je dois choisir entre Catherine, que j’aime dans l’immédiat, mais avec laquelle rien ne me garantit contre une rupture possible; et miss mystère qui pourrait très bien être une femme sensationnelle avec qui je pourrais très bien m’entendre encore mieux qu’avec Catherine. Est-ce qu’un tien vaut vraiment mieux que deux tu l’auras? Est-ce que ça vaut la peine de quitter ceux qu’on aime pour aller faire tourner des ballons sur son nez?

Je suis jeune, c’est le temps de vivre l’aventure; peut-être que plus tard j’en serai incapable. Peut-être que plus tard je ne serai même plus là. Pourquoi remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui? Cependant, serait-il si grave que je ne vive jamais ce genre d’aventure; peut-être pas? Je suis jeune, je peux toujours me reprendre un peu plus tard, quand je saurai mieux ce que je veux et ce que je vaux, avant d’entreprendre un changement de vie. Par contre, à ce moment-là, je ne serai peut-être plus seul, j’aurai des contraintes, des responsabilités externes.

Choisir l’aventure c’est bien, mais est-ce que celle-là m’intéresse vraiment? Ce n’est pas l’aventure pour l’aventure, il faut choisir le type d’aventure. Qui me dit que je ne peux pas vivre une aventure exceptionnelle, mais bien différente de celle qui me tourmente, avec Catherine? Mon père m’a toujours dit que la solution est dans le meilleur compromis. N’y aurait-il pas un compromis possible où je peux garder Catherine et l’aventure en même temps? Un compromis où je m’assure de ne pas manquer le bateau et le regretter toute ma vie? J’ai beau réfléchir, la réponse ne me semble pas plus claire.

Évidemment, il y a le raisonnement qu’en cas de doute, quand le changement peut mener à des perturbations négatives, on est mieux de ne pas bouger. On peut attendre, le temps aide souvent à prendre la meilleure décision. Ça explique le break avec Catherine. Je pourrais peut-être prendre un break avec Sean. Mais de toute façon, un jour il faut décider, et il est impossible d’avoir des garanties sur l’avenir quand on prend ce genre de décision. Si on attend d’être certain, on ne fait jamais rien, comme le Québec qui n’arrive pas à choisir de devenir un pays plutôt qu’une province. Dans le cas des référendums sur la souveraineté du Québec, je dis souvent qu’un pays est une affaire de cœur. On choisit sa communauté et on fait avec. Si on se sent davantage québécois que canadien, il faut voter oui, et ainsi on s’assure de bâtir quelque chose de bien ensemble. Après tout le Québec, ce n’est essentiellement que ses citoyens. Si on se sent plus québécois que canadien et qu’on vote non, on est un peu hypocrite. On veut se faire considérer comme un égal, mais on n’ose pas prendre les responsabilités qui vont avec. Est-ce que je m’égare ou si je peux utiliser cette réflexion dans mon cas? Est-ce que je me sens plus comme un homme ayant besoin d’amour ou comme un philosophe en quête d’aventure? Quand la question est posée de cette façon, c’est clair que je me sens davantage comme un homme ayant besoin d’amour. Par contre, dans ce cas, un philosophe en quête d’aventure peut aussi être un homme ayant besoin d’amour. Est-ce que le contraire est vrai? Est-ce que j’aime mieux Catherine que Sean? C’est trop évident comme question, ce n’est sûrement pas à propos. Est-ce que l’aventure d’une relation avec Catherine est suffisante pour moi? Est-ce si important pour moi de devenir populaire et de léguer quelque chose au monde? Sans doute, car c’est la vie éternelle que l’on recherche, que je recherche. Est-ce que la vie éternelle véritable n’est pas celle que l’on laisse par notre souvenir, notre éducation, à nos enfants? Sans doute, mais de vivre l’aventure présente ne m’empêchera pas d’avoir des enfants. Je promets solennellement que lorsque j’aurai des enfants, ceux-ci passeront bien avant mon besoin de laisser un héritage personnel au monde entier! Mais pour l’instant, je n’ai pas d’enfant. Est-ce que me lancer dans l’aventure réduit mes chances d’en avoir? Sans doute un peu. Est-ce que ma vie d’aventure, où je serai sur la sellette, me rendrait heureux, que je laisse un héritage positif ou pas? C’est loin d’être certain, mais la seule façon de le savoir c’est d’essayer. Qui ne risque rien, n’a rien, dit le proverbe. Mais dans mon cas, j’ai déjà beaucoup; j’ai beaucoup à perdre. Les deux options me semblent bonnes, il s’agit sans doute de décider si je vais me contenter d’une petite vie, ou s’il me faut absolument viser la grande vie.

Quel est le compromis possible? Ne pas aller de l’avant avec les rassemblements, qui me semblent définitivement un peu tribal, et publier ce « livre », ce document que je suis en cours de rédaction, pour offrir un témoignage au monde sans faire trop de flammèches, en leur permettant d’absorber le principe d’un point de vue individuel. Profiter de la publicité faite par l’initiative de Sean pour m’assurer que mon livre ne passera pas inaperçu. Lui laisser tous les risques, mais prendre une partie des bénéfices. C’est chien, mais c’est peut-être ma solution. Je suis déjà pas mal avancé avec ce texte. Je pourrais le finir à temps partiel, quand j’aurai un travail, en poursuivant la rédaction certains soirs plutôt que de regarder la télévision. Je ne renie pas l’initiative de Sean, mais je reste en marge. C’est quand même un pas pire compromis. Même si Sean devient une vedette internationale, il continue de me donner le crédit pour le concept, et moi je suis le penseur en coulisse. Je peux très bien vivre avec ça. Je saurai contrôler ma jalousie de Sean si celui-ci devient une star. Je ne vivrai pas des regrets éternels et de plus, je crois que je pourrai garder Catherine et la potentielle vie de bonheur qui vient avec. Je couvre de plus mes arrières en cas de débandade de l’initiative, ou en cas de réactions violentes vis-à-vis cette initiative. Ça me semble pas mal. Reste maintenant à savoir comment présenter ça à Sean….et à Catherine aussi. J’aimerais bien avoir son feedback plus terre-à-terre!

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